Alexandre Najjar est un écrivain libanais d’expression française.
Né à Beyrouth le 5 février 1967, il est aussi avocat et a été nommé Officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.
Il est l’auteur d’une trentaine de romans, récits, poèmes et biographies, dont „Khalil Gibran„, „L’école de la guerre”, „Le silence du ténor”, „Berlin 36” et „Kadicha„.
Son œuvre est traduite dans une douzaine de langues : arabe, anglais, suédois, roumain, turc, grec, coréen, portugais, espagnol, italien, arménien,polonais et russe.
“La Passion de lire”, texte d’Alexandre Najjar et photos de Hayat Karanouh
Un beau livre pour donner un avant-goût de la lecture. Cet album se veut un hommage au livre et à la lecture. En partant de Byblos, berceau de l’alphabet, il nous propose, à travers mots et photos, de visiter des lieux de lecture et de rencontrer des lecteurs en situation.
Un vibrant hommage à toutes les littératures du monde, inépuisables trésors contre la solitude et l’ennui. Instruction, rêve, voyage, connaissance, savoir, enrichissement spirituel et intellectuel et bien sûr divertissement et épanouissement, c’est tout cela les livres et la lecture.
Voici quelques extraits du livre
Un hommage au livre
Afin que lire devienne ou demeure votre passion!
Un écrivain est-il le mieux placé pour parler de la lecture et des livres ? Sans doute. Puisqu’il connaît les ficelles du métier et participe à la fabrication de cet objet magique appelé à procurer du plaisir. D’ailleurs, tout écrivain est un grand lecteur: c’est par l’amour des livres qu’il a lus qu’il décide un beau jour de passer de l’autre côté du miroir, de tenter lui-même l’aventure des mots pour transmettre ses propres idées.
Cet amour des livres est-il inné? On ne naît pas lecteur, on le devient. Il faut savoir cultivar, chez soi et autour de soi, la passion de lire. La présence d’une bibliothèque à la maison ou dans le quartier, des parents ou des amis qui lisent, les encouragements des enseignants contribuent à nourrir cette passion. Dès lors que le livre devient un objet familier au sein du foyer et que l’acte de lire apparaît comme un geste naturel, dépourvu de toute contrainte, le pari est gagné. Le lecteur est conquis. Pour la vie.
Tout a commencé à Byblos, la cité du livre. L’étymologie du nom le prouve: bublos en grec signifie “papyrus”; biblion veut dire “livre”. C’est là qu’a été créé, au XI ème siècle avant JC, l’alphabet de vingt-deux lettres qu’on retrouve sur le sarcophage d’Ahiram, roi de Byblos, conservé au Musée de Beyrouth. Cette écriture phénicienne, diffusée par le légendaire Cadmus, fils de Tyr, atteint les rivages de la Sardaigne et de Carthage. Elle est même adoptée, au VIII ème siècle avant JC, par les Grecs qui y introduisent les modifications nécessaires à la transcription de leur langue.
Dans un savoureux livre intitulé Un matin à Byblos, Olivier Germain-Thomas insiste sur la vocation de ce port méditerranéen: “Il existe au bord d’une mer qui fut le nombril du monde, une ville qui porte le nom de Livre. C’est une ville de chevet puisqu’elle a veillé sur les rêves des homes pendant plus de sept mille ans.(…) Je n’avais pas clairement fait le lien entre Byblos et ma bibliothèque. Et voici que je foulais pour la première fois des pierres effondrées sur des masses de mots.” Dans sa préface à un ouvrage savant intitulé Le livre et le Liban, Jack Lang a rappelé, mais moins poétiquement, cette troublante parenté: “Chaque fois que nous prononçons le mot de bibliothèque, nous disons le mot de Byblos, petite ville de la côte libanaise que les Grecs ont identifiée à la matière même du livre. Dès le IIIème millénaire, sur l’argile et sur la pierre, sur le métal et sur le papyrus, se sont répandues ici les premières formes de l’écriture. Ici, vers la fin du XIème siècle avant JC, a été inventé l’alphabet consonantique de vingt-deux lettres qui, en apportant à l’expression écrite une simplification décisive, a conquis l’Orient des Grecs, les Etrusques, puis les Latins et, à l’Est, les Araméens, puis les Arabes, chaque civilisation l’adaptant à son génie et à ses langues.” Donc, pour rendre hommage à la passion de lire, on prend pour point de départ Byblos, berceau de l’alphabet et terre du livre. […]
Le livre … Que vaut encore le livre à une époque envahie par la télévision et les nouvelles technologies? Dans les années 90, on estimait le livre menacé, on annonçait sa mort, on parlait du règne de l’Internet, la suprématie de l’e-book. Et pourtant, le livre est toujours là, parce qu’il est, tout simplement, irremplaçable. Le livre,au fond, n’est pas un objet comme un autre. Il vit.
Physiologie du lecteur
L’heure est venue d’ouvrir le livre. Le lecteur doit savoir que lire n’est pas un acte passif. La lecture fait appel à ses cinq sens:
La vue – D’abord, la vue: le lecteur sera attentif aux caractères typographiques qui, dès les premiers mots, s’offrent à son regard. Certains livres comportent des illustrations: gravures, frontispices, vignettes, culs-de-lampe …ils agrémentent le texte et rappellent l’exubérance décorative des manuscrits enluminés du Moyen Âge. Ayant pris ses marques, le lecteur peut commencer à lire. Avec ou sans lunettes, ses yeux parcourent la ligne, décryptent les mots …
Le goût – En lisant, le goût est également sollicité. Le lecteur aura le choix, en fonction du livre qu’il a adopté, entre le style limpide qui se boit d’une traite, le style humoristique qui provoque des éclats de rire en solitaire, le style ampoulé, le style corrosive, décapant, le style sans prétention des romans de gare, le style original qui, poussé à l’extrême, déconstruit la syntaxe et engendre une “littérature de laboratoire”, ou un style travaillé, œuvre d’orfèvre. “Quand nous lisons un livre, une revue, un journal, nous choisissons la substance de notre âme”(Georges Duhamel). Car le lecteur reste juge de l’œuvre qu’il découvre. Il ne lit pas pour les autres, il lit pour soi.
L’odorat– Une fois le livre ouvert, il faut humer le parfum qui s’en dégage, lentement, avec volupté, comme s’il s’agissait d’une fleur rare ou d’un grand vin. Mais tous les livres n’ont pas la même odeur. Il y a l’odeur des livres neufs qui chatouille les narines des écoliers le jour de la rentrée, l’odeur de renfermé, l’odeur poussiéreuse que dégagent les pages des livres anciens, l’odeur suave des albums, l’odeur d’encre, enivrante, des bouquins fraîchement imprimés.
Le toucher – Quant au toucher, il se manifeste avant tout dans le contact avec les pages du livre. Le papier qu’on palpe ne procure pas toujours la même sensation. Il y a le papier couché où s’affichent les illustrations, le papier bouffant, le papier bible, le papier recyclé, le papier hollande, le japon impérial, le chine argenté, le papier de riz, le vélin, le pur chiffon, un papier de luxe traité et fabriqué artisanalement, le papier journal, qui se froisse …
L’ouïe– Le livre n’est pas silencieux. L’oreille est sollicitée quand on lit à voix haute ou à voix basse, quand on écoute quelqu’un nous lire une histoire et quand on tourne les pages. Le froissement du papier berce le lecteur et lui rappelle que le livre, lui aussi, possède une voix. La lecture, en mettant nos cinq sens à contribution, apparaît exigeante. Mais l’effort requis n’est rien à côté du plaisir qu’on en tire!
Eloge de la lecture
Nul ne peut progresser dans l’apprentissage d’une langue sans lire, puisque la lecture familiarise avec les subtilités de cette langue, lui permet de découvrir de nouveaux mots, des tournures qu’il ignorait. La lecture est un passage obligé pour qui veut maîtriser une langue. Un livre est source de connaissance et de culture. C’est aussi une école de vie. A travers le livre, le lecteur s’enrichit, participe à la destinée des autres, converse avec l’auteur, aiguise son jugement puisqu’il est appelé, en refermant l’ouvrage, à l’évaluer, à mesurer le profit ou la jouissance qu’il en tire. Le livre provoque: il ressuscite des sentiments qu’on croyait perdus, ravive les souvenirs, l’éveille l’imagination et les sens. Il oblige le lecteur à se remettre en question. Par le détour de la pensée des autres, la lecture permet de faire retour à soi. Le livre est synonyme d’émancipation. Il autorise les idées les plus hardies et permet d’usurper impunément l’identité des personnages mis en scène par l’auteur. Il représente une porte ouverte sur l’ailleurs, invite au voyage, pro[pose une échappée sur d’autres mondes et d’autres temps sans même le secours de l’image. Le livre est une arme, un instrument de révolte. Sans lui, nombre de révolutions et de réformes politiques ou spirituelles, n’auraient jamais vu le jour.
“Nous sommes le résultat de ce que nous avons vécu mais aussi de ce que nous avons lu. Ma bibliothèque, après m’avoir raconté des histoires, me narre. Les livres sont mes photos de famille et bien sûr d’identité.”
Patrick Besson
“Lire un livre sous un arbre en double le plaisir. On ne sait plus si on tourne les pages ou si on feuillette l’arbre.”
Jean Chalon
“ La vertu paradoxale de la lecture est de nous abstraire du monde pour lui trouver un sens.”
Daniel Pennac
“Là où on brûle des livres, on brûle des hommes.”
Heinrich Heine
“Les livres ont les mêmes ennemis que l’homme: le feu, l’humide, les bêtes, le temps et leur propre contenu.”
Paul Valéry
“Le livre (…) parle pour les morts et traduit les paroles des vivants. C’est un compagnon qui ne dort que lorsque tu dors et ne s’exprime que quand tu le désires.”
Al-Jahiz
“La lecture, une porte ouverte sur un monde enchanté.”
François Mauriac
“Chacune de nos lectures laisse une graine qui germe.”
Jules Renard
“Une bibliothèque est une chambre d’amis.”
Tahar Ben Jelloun
“J’ai été élevé par une bibliothèque.”
Jules Renard
“Le libraire fait semblant de vendre des livres, mais il sait bien, lui, qu’il est marchand de rêves.”
François Mauriac
“Un monde sans librairies serait un univers sans oxygène- j’entends que l’on n’y pourrait plus y respire la vie.”
Emile Zola
“Pour la plupart des sociétés alphabétisées – pour l\islam, pour les sociétés juives et chrétiennes, pour les anciens Mayas, pour les vastes cultures bouddhistes – la lecture se trouve au début du contrat social.”
Alberto Manguel
La guerre du livre n’aura pas lieu. Tant qu’il y aura des lecteurs passionnés !
Alexandre Najjar